Le fief de la vicomté de Baïgorry fut établi en 1033 par le roi de Navarre Sanche III, dit « Sanche le Grand », au profit de Loup Garcia, membre de sa lignée. Ce legs marquait le début d’une longue et riche histoire pour le château d’Etchauz, joyau architectural et témoin privilégié des mutations politiques et sociales de la région.
Transformé en profondeur en 1555, comme en atteste la date gravée sur l’une des portes du château, l’édifice conserve aujourd’hui encore les traces de ces évolutions successives.
L’histoire des vicomtes de Baïgorry se divise en deux grandes périodes : avant et après 1512, année où la Haute-Navarre fut séparée de la Basse-Navarre. Durant les premiers siècles, les seigneurs d’Etchauz, à l’image de nombreux nobles médiévaux, furent de véritables guerriers féodaux. Parallèlement, ils occupèrent des postes de prestige à la cour de Pampelune, tels que grands écuyers, boutilliers, mesnadiers, mérins, ou encore alcades aux Cortes. Jean Ier d’Etchauz fut même fait Chevalier de Saint-Jean de Jérusalem en 1413 par Charles III de Navarre, qui lui offrit une épée ornée d’argent.
La renommée de la famille s’étendit au-delà des Pyrénées. Antoine d’Etchauz, proche du comte de Gramont, gagna la confiance du futur roi Henri IV, marquant ainsi l’ascension de la maison d’Etchauz au sein de la cour de France. Cette époque fut celle de l’apogée : alliances prestigieuses, richesse, et reconnaissance.
Parmi les figures illustres, on compte Bertrand d’Etchauz, nommé évêque de Bayonne en 1593, puis archevêque de Tours et grand aumônier de France. Il fut un soutien indéfectible du roi Louis XIII et de Marie de Médicis, s’illustrant notamment par son opposition au juge de Lancre, tristement célèbre pour ses procès de sorcellerie.
Au fil du temps, la lignée masculine s’éteignant, la vicomté passa aux mains des héritières, apportant les noms de Saint-Martin, de Roll Montpellier, et de Caupenne. Les femmes de la maison d’Etchauz laissèrent également leur empreinte : Comtesse, Navarre, Guirautine, Marie – gouvernante de François Phoebus de Foix – font partie de cette mémoire familiale.
Le 23 janvier 1795, Jeanne-Marguerite d’Etchauz épousa à Saint-Étienne-de-Baïgorry Jean Isidore Harispe, futur maréchal de France et député des Basses-Pyrénées.
En 1848, le château fut acquis par la famille d’Abbadie d’Arrast. Antoine construisit le célèbre château d’Abbadia à Hendaye, Michel celui d’Elorriaga à Ciboure, tandis que Charles s’installa à Etchauz. Défenseur passionné de la culture basque et militant pour les droits des femmes, il œuvra avec son épouse pour un progrès éclairé.
Le château vécut aussi des heures artistiques : Pierre Loti, ami proche des d’Abbadie, y puisa l’inspiration pour son roman Ramuntcho, dédié à Madame d’Abbadie d’Arrast, et mis en musique par Gabriel Pierné. Plus inattendu encore : Charlie Chaplin fut un visiteur régulier, lié par son amitié avec le cinéaste Harry d’Abbadie d’Arrast.
Mais l’ombre de la guerre n’épargna pas le château : réquisitionné par les Allemands entre 1940 et 1945, puis progressivement vidé et vendu pièce par pièce, l’édifice connut une lente dégradation.
Heureusement inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, le château d’Etchauz conserve un immense potentiel. Témoin de la grandeur de la Navarre, il représente une richesse patrimoniale commune à la France et à l’Espagne.
Situé à Saint-Étienne-de-Baïgorry, à 50 km de Bayonne, il s’étend sur environ 1800 m² répartis sur cinq niveaux. Aujourd’hui, il attend un repreneur passionné, capable de redonner vie à ce trésor d’histoire enraciné dans le cœur du Pays Basque.